Je soutiens Marion Rolland

Sa course n’aura duré que 3 ou 4 secondes. Une chute dès le départ qui fait tout de suite de Marion Rolland, une star du web : sur Facebook et Twitter, les railleries se multiplient. Les comiques en font des tonnes sur le sujet.

Mais on apprend vite que si Marion Rolland a chuté, c’est à cause d’une rupture des ligaments croisés du genou. Un genou déjà blessé deux ans auparavant.

Et d’un coup, sa chute prend une nouvelle dimension. Le drame humain qu’elle traverse nous met face à cette question récurrente : peut-on rire de tout ?

Comme une trainée de poudre

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les blagues les plus potaches soient lancées. 20 minutes fait d’ailleurs un bon article sur le fait qu’elle devenue, en quelques instants, une star du web. Star malgré elle.

« On n’avait plus connu un tel déchaînement créatif depuis la nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD. »

Seul point finalement rassurant, c’est que tous ces groupes facebook ne comptent que peu de membres, preuve que le buzz reste tout de même restreint, et que l’un des groupes les plus peuplé (221 membres) est celui qui demande l’arrêt des critiques et des groupes contre Marion Rolland.

Ceci nous montre encore une fois à quelle vitesse les phénomènes e répandent aujourd’hui. La réaction est instantanée, et pour tout dire elle était même prévisible : il s’agit en plus d’une française, la chute intervient dés le départ et l’événement est télévisée. On a tous pensé d’abord « tiens une image pour le bétisier ». Mais il faut désormais intégrer l’idée que ce genre d’incident trouve un écho plus immédiat et plus fort sur le net. Force est toutefois de constater que le buzz se crée de façon immédiate, sans aucun recul, alors qu’il était pourtant facile de s’imaginer que sa chute pouvait être grave et non pas juste le résultat d’une faute maladroite d’une professionnelle.

Avec ce buzz s’est également développé un autre phénomène : les articles autour du buzz lui-même. Que ce soit 20 minutes, cité avant, le site de France TéléRMC,  ou même le site du magazine Elle , quelques médias se laissent aller à l’exercice.

Peut-on rire du malheur de la française ?

Maintenant que nous avons un peu de recul, et que nous connaissons la gravité de la blessure, la question se pose a posteriori de savoir si l’on peut rire de tout, y compris du malheur des autres.

Tout d’abord, je voudrai dire à Marion Rolland (qui ne lira jamais ce billet, mais bon…) que je la soutiens, et lui souhaite beaucoup de courage pour traverser cette nouvelle épreuve. J’espère qu’elle pourra être aux JO de 2014.

Mon billet vient en réaction à la chronique de Yann Barthes, dont lepost.fr faisait un article récemment

La seule chose que l’on peut reprocher – selon moi – à Yann Barthès, c’est d’avoir réagi à chaud et avec beaucoup d’humour, sans adresser à la fin de sa chronique un petit mot d’encouragement à la française. Mais sans doute qu’au moment où il prend l’antenne, la blessure de Marion n’est pas encore connue. Et quoi qu’il en soit, je ne vois pas dans sa chronique de méchanceté à l’égard de Marion Rolland. Car s’il se moque c’est bien de la chute qui intervient au tout début de la course. Il s’en prend ensuite bien plus aux commentateurs et aux supporters qu’à Marion elle-même.

Nous avons tous conscience – enfin je l’espère – de la somme de travail que suppose le choix d’être sportif de haut niveau, des contraintes quotidiennes, et des sacrifices consentis. Marion, comme les autres, a fait le choix d’une carrière courte, très contraignante, avec au final peu d’élus… et certainement peu à gagner en comparaison avec d’autres sports. Elle a travaillé dur pendant 4 ans pour se préparer pour cette course.

Il est évident que peu d’entre ceux qui se moquent ont fait le même choix, et sans doute aucun ne sait skier comme elle.

Pour autant, est-il est interdit de se moquer de sa chute au début de la course ? Est-ce de mauvais ton ou moins drôle sous prétexte qu’elle s’est blessée ?

Naturellement que non. On peut rire de la chute de Marion Rolland, comme on peut rire de Brian Joubert. Le tout est de savoir le faire avec intelligence, sans que ce soit blessant pour la personne visée. Comme on peut rire du handicap : en Norvège par exemple, on propose bien un téléthon politiquement incorrect.

Moi le premier, j’avoue Marion, j’ai souri en te voyant sortir de la piste et me suis pensé « tiens, une image pour le bétisier ». J’ai bien pensé sur le moment qu’une erreur si grossière ne pouvait pas être tout à fait « normale ». Après, avec le recul, j’ai eu un peu honte d’avoir ri, en découvrant la gravité de ta blessure. Je me suis naturellement imaginé à quel point tu devais être déçue et abattue de ne pas avoir pu réaliser ta course, préoccupée aussi par la blessure et ses conséquences sur la suite de ta carrière. Et je me suis dit aussi que la somme des moqueries n’allait sans doute pas te faire plaisir, et qu’à ta place, j’apprécierai qu’elles me soient épargnées.

Et pourtant, je pense encore qu’il faut savoir en rire : si nous avons ri, c’est parce qu’il faut bien admettre que nous n’aimerions pas être à ta place, surtout à cause de la dimension « ridicule » (pardonne moi le terme) de ta chute devant des millions de spectateurs. Mais parce que nous craignons tous, dans nos métiers et dans nos vies respectifs, qu’un rendez-vous important ne se passe mal. Nous appréhendons tous que cette situation désagréable ne nous arrive et qu’on se retrouve nous même au centre des rires des autres. Ne sommes-nous pas les premiers à sourire d’un collègue à qui il arrive un pépin ?

C’est la force du rire que d’aider à dédramatiser une situation. Car naturellement, au fond, je pense que tout le monde est affecté par la gravité de ta blessure. Je repense à Vincent Clerc, rugbyman, qui se blesse au genou il y a plus d’un an : personne ne rigole. Il n’y a donc pour moi aucun doute sur le fait que c’est bien la situation qui provoque les moqueries, et je suis convaincu que tout un chacun est attristé de ta blessure.

Enfin, j’avoue être aussi le premier à rire de moi-même, en repensant avec le recul à certaines situations hasardeuses, voire honteuses, dans lesquelles j’ai pu me trouver, et qui, à l’époque ne m’avaient pas du tout fait rire.

Maintenant, Marion, je te laisse le mot de la fin, tiré de ton interview sur RMC : « ’j’ai envie de leur répondre : ‘‘êtes-vous dans les quatre meilleurs Français de votre métier et parmi les dix meilleures au monde ? »

Non, nous n’y sommes pas… et nous espérons que tu vas y revenir au plus vite.

Avant sa blessure, Marion était 7e de la coupe du monde 2010.

2 commentaires

  1. Même si je suis tout à fait d’accord sur le fond de l’article, réactions à chaud tout ça, il faut tout de même avouer que les sportifs français sont dans une bonne majorité une bande de bras cassés. A qui la faute, je n’en sais rien, mais il ne faut pas jeter la pierre à des journalistes comme Yann Barthès dont le métier est de tourner les choses en dérision plutôt que d’en pleurer.

    • Merci tout d’abord pour ton commentaire…
      Tu es dur avec eux. VIncent Jay est double médaillé, et c’est le seul biathlète à avoir obtenu deux médailles par exemple.
      Certains ne sont pas, effectivement, à la hauteur du rendez-vous… mais les JO ne sont pas encore finis.
      Quant à Yann Barthes, effectivement, son rôle consiste à nous faire rire… et lui aussi, comme Marion, il lui arrive de chuter et de faire des sketchs plus ou moins drôles
      Quoi qu’il en soit : allez la France !


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